C’était le 12 avril 1994, après 5 jours d’apocalypse au Rwanda, Richard, mon petit frère, Agathe, ma cousine et Félicité, ma mère allaient succomber parmi les tutsi qui ont subi le génocide. Tant d’autres membres de ma famille allaient les suivre au cours des 3 mois d’horreur avec plus d’un million de morts.

Dans cet article, je présente ma façon de faire face aux blessures invisibles (traumatismes) sachant que chacun empreinte le chemin lié à son histoire et ses talents uniques.

Flammes de la mémoire

21 ans après, la vie a repris son cours et le Rwanda s’est reconstruit à grande vitesse. Dans cette reconstruction, le grand chantier encore ouvert est celui de la reconstruction de l’être (le rwandais lui-même).

La mémoire traumatique collective

Beaucoup d’adultes sont aujourd’hui sujets aux comportements incohérents liés à leurs vécus de 1994, surtout entre les mois d’avril et de juillet.

Que ce soit les victimes, les bourreaux, ceux qui ont assisté impuissants ou ceux qui croient avoir tourné la page, le traumatisme du Rwanda vit en eux.

Même les enfants qui n’étaient pas nés présentent parfois des convulsions en revivant en partie les scènes qu’ils n’ont pas connu.

Les tutsi, les hutu et les batwa peuvent revivre des flash-back des scènes de ce temps! Un bruit, une odeur ou un visage peuvent replonger les personnes dans cette période d’horreur. Qu’on est été présent au Rwanda ou à distance à travers la télévision, la mémoire collective de cette tragédie n’épargne personne.

D’autres personnes ne présentent pas ces anomalies très visibles. Par contre, elles ont perdu la confiance en elles-même et en l’être humain. Elles vivent régulièrement des peurs irrationnelles ou de la paranoïa.

Comprendre ses blessures permet de mieux agir

Une mémoire traumatique (blessée) nous fait revivre les mêmes épreuves de façon répétitives et sous différentes formes. Sur le plan individuel ou communautaire, nos erreurs ou certains évènements semblent cycliques dans des contextes différents.

Spirale

La mémoire saine est flexible et les souvenirs peuvent varier dans le temps. Exemple : Cette personne insupportable il y a 20 ans peut vous sembler aujourd’hui amusante. Vous avez suffisamment de recul et lorsque vous relatez vos souvenirs avec elle, vous en faites de l’humour.

Quant à la mémoire traumatisée, la simple évocation de cette personne vous fait encore un effet désagréable. Vous n’avez pas tourné la page, vous ruminez encore ces souvenirs et vous détestez peut-être toute personne qui se comporte de cette façon.

Pour revenir au désastre du Rwanda en 1994, la reconstruction actuelle est une avancée très positive qui doit être soutenue par un travail profond sur le développement humain.

21 ans, c’est un temps assez court pour se remettre d’un tel désastre mais c’est un temps suffisant pour éviter de revivre les mêmes cycles dramatiques.

Les belles déclarations ‘’Never again’’, ‘’plus jamais ça’’ ne resteront que de belles déclarations sans travail de fond.  Comme nous transmettons nos qualités à nos enfants, nous leurs transmettons aussi nos blessures.

Comment j’ai fais face à mon traumatisme?

Je me souviens encore de toutes ces questions qui allaient faire exploser ma tête:

  • Pourquoi sont-ils partis assassinés et pourquoi je suis resté?
  • Comment pouvaient-on tuer Richard, le sage de la famille?
  • Comment s’attaquer à ma mère qui vivait dans la foi de dieu?
  • Et dieu dans tout ça et cette vie, quels sont leurs sens?

Un cheminement spirituel

J’ai lu plusieurs livres (la bible, le coran, le yi-king chinois, les sagesses des amérindiens, le dharma indien;  les livres sur le bouddhisme, le développement personnel,…)  à la recherche d’une explication à cette fin brutale.

Un cheminement psychologique

J’ai fait de nombreuses expériences et je me suis formé dans différentes disciplines de développement personnel pour comprendre l’être humain. Petit à petit, je me suis apaisé sur le plan émotionnel et mental. Ma quête m’a transformé au cours du voyage me permettant de prendre du recul.

J’ai découvert à travers les différentes philosophies, les religions ou des expériences, que tout le monde parlait de la même chose: LE SENS DE LA VIE.

C’est en choisissant consciemment de me regarder en face, de reconnaitre que j’avais subit un choc hors norme et en aidant les autres à travers mon métier, que j’ai petit à petit compris le sens que je voulais donner à ma vie.

Toutes mes questions se sont résumées en une seule question importante :

Que puis-je apprendre de mes bonnes ou mauvaises expériences?

Ce cheminement n’a pas du tout été facile. Ce fut une succession d’essaies et erreurs, que ce soit dans le choix de ce que j’allais faire de ma vie ou dans mes relations avec les autres.

L’apprentissage de la méditation fut certainement ma plus grande découverte. Ce sera le sujet de mon prochain article.

Aujourd’hui, je suis plein de gratitude pour l’énergie que les miens m’ont insufflé.

  • La paix intérieure a remplacé ma tristesse et mes regrets,
  • le calme a fait place à l’agitation et au questionnement,
  • la puissance tranquille s’est substitué à toute ma rage.

En mémoire de tous les miens qui ont rejoint leur demeure éternelle, je me souviens

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Images : Hugo- Lapaz; Nicolo Canali De Rossi;