Dans cet article, je vous parle de nos émotions en partant de ma propre histoire. Du petit garçon à qui on dit que les hommes ne pleurent pas à toute personne qui n’ose ou ne peut pas exprimer ses sentiments.

Dans mon travail, je rencontre beaucoup d’adultes qui sont déconnectés de leurs émotions. C’est souvent à la quarantaine que leurs blessures accumulées reviennent à la surface et ils tentent de se reconnecter avec leur histoire familiale pour trouver des réponses à leurs difficultés.

L’image du père

Que nous le voulions ou pas, l’image des parents a un grand impact sur notre vie.

J’ai une grande admiration pour mon père Raphaël NSABIMANA. C’est mon héros par son courage et sa détermination jusqu’à la fin de sa vie en 1989. Il m’a marqué par son empreinte et comme tout bon petit garçon, j’ai voulu lui ressembler!

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Né en 1939 dans un Rwanda en pleine mutation, il sera marqué par l’abandon de son village brulé en 1959, la perte de son grand frère Gervais assassiné en 1963 et la nécessité de prendre les responsabilités de chef de famille à l’âge de 24 ans.

Comme beaucoup d’hommes, il exprimait rarement ses sentiments.

Je me rappelle avec tendresse de ces lettres dignes d’un agent administratif qui me donnaient des recommandations numérotées avec des tâches à faire. En quelques sortes, c’était mon boss.

L’histoire se répète de générations en générations

Comme mon père, c’est à 24 ans (1994) que j’allais connaitre la perte de ma mère Félicité, mon frère Richard et beaucoup d’autres membres de ma famille. Comme lui, j’ai voulu manifester du courage et j’en suis arrivé à construire autour de moi ce que j’ai appelé mon bunker !

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Mon bunker ne laissait rien passer, je devais être fort et à la hauteur de toute chose !

J’étais coupé de ma partie émotionnelle et ceux qui avaient tendance à l’émotivité étaient pour moi des faibles. Mon histoire me donnait droit à être un dure à cuire, j’étais insensible aux petites douleurs des autres !

Après tout, n’étaient-ils pas perturbés par de petites choses 😉

Je me rappelle de cet ami qui était venu me voir après la perte de son père pour trouver du réconfort. A son grand étonnement, je lui ai donné la liste des actions à poser par ordre ! Inutile de vous dire que je ne l’ai plus revu pendant des années.

Ces rencontres inattendues qui nous transforment

Beaucoup de troubles psychologiques des adultes proviennent des disfonctionnements émotionnels et peu de personnes en ont conscience.

Lorsque j’ai rencontré mon épouse Elise, une de ses premières remarques fut : ‘’Je vais t’humaniser’’. En réalité, je ne comprenais pas cette remarque!

A postériori, j’ai fini par comprendre et je continue d’apprendre car grâce à mes formations en développement personnel orientées vers la psychologie, je peux analyser mes réactions.

Parfois, nous n’avons pas conscience des barricades que nous avons érigées pour nous protéger et elles sont tellement efficaces qu’elles nous coupent de nous-même et des autres sans nous en rendre compte.

Une autre rencontre qui m’a libéré, c’est un jeune homme de 19 ans qui rendait hommage à son père décédé de maladie. Se tenant devant une assemblée dans une messe de requiem, il semblait courageux en retenant ses larmes.

Il me renvoyait l’image de mon père décédé aussi à mes 19 ans ! Ce jeune garçon sans le savoir, il m’a donné l’autorisation de pleurer de nouveau. Après plus de 15 ans sans avoir jamais versé une larme, je pouvais de nouveau pleurer !

Au cours de cette cérémonie, j’étais émerveillé par ces gouttes d’eau qui ruisselaient sur mon visage ! Enfin, j’étais vivant, le bunker avait fait apparaitre des portes immenses et des fenêtres qui pouvaient s’ouvrir.

Que transmettre aux enfants ?

Se rééduquer après un traumatisme n’est pas chose facile car ça passe inévitablement par la relation aux autres. C’est une étape nécessaire pour se reprendre en main et vivre pleinement.

Eduquer les enfants est encore plus difficile puisque consciemment ou inconsciemment nous leurs transmettons nos qualités et nos disfonctionnements!

Aujourd’hui, je suis reconnecté à mes émotions, je suis libéré d’un poids de nombreuses années dans le bunker mais rien à faire, je me retrouve encore entrain d’interdire à mes enfants de pleurer !

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A l’image de mon père, je peux être très dure mais j’ai appris petit à petit à me remettre en question.

J’aimerais transmettre aux enfants que nos émotions sont des signaux lumineux comme sur les carrefours des routes. Ils nous informent sur notre réalité extérieure.

J’aimerais qu’ils sachent que les exprimer permet de réduire le stress dans notre organisme et  d’améliorer notre santé.

S’ils apprennent à les gérer et à les exprimer sans tomber dans des excès, ’ils pourront alors les utiliser pour améliorer le monde autour d’eux.

J’aimerais leur dire aussi qu’ils m’ont appris à leur tour la simplicité et la richesse du mot ‘’AIMER’’

Et vous, vos pères vous ont-ils dit la vérité ? Etes-vous à l’aise avec vos émotions ?

Photos : Rob, ekarin, Barabas Attila – Fotolia.com